Quand vous regardez des enfants jouer, vous pouvez voir comme ils sont capables de jouir de la vie naturellement et sans restrictions, et comme ils se fondent dans l’instant présent. Cela semble si facile pour eux de s’abandonner au jeu. Leur imagination foisonnante est facilement stimulée par n’importe quel objet. Le jeu est leur principale source de développement affectif, social, physique et cognitif. Cela leur permet de découvrir de nouvelles choses, d’acquérir des nouvelles compétences, mais aussi d’apprendre de leurs erreurs de manière douce et stimulante.
Pourquoi est-ce plus ardu de s’y prêter une fois l’âge adulte atteint ?
Nous avons tendance à penser que la perte de ces facultés est un résultat naturel du fait de devenir adulte, mais ce n’est pas vrai. Depuis qu’on est petit on nous dit ce qu’il faut faire ou ne pas faire. Pendant des années. C’est l’éducation. Sûrement, c’est essentiel pour apprendre à vivre en société. Cependant, le prix de cette éducation était notre curiosité et notre passion à découvrir des nouvelles choses dans la vie. Nous avons été capables d’aller à la découverte de notre environnement et des autres en faisant face à nos contraintes et en essayant tous les jours de nouvelles choses. Nous naissons antifragiles, puis la société nous apprivoise.
Dans une société obsédée par la performance, le loisir est perçu comme contre-productif et devient donc un synonyme de récréation et de paresse. Jouer devient le contraire de « travailler » et synonyme de « d’oisiveté ». Pour la plupart des gens, le jeu et les défis de création doivent être isolés du monde du travail.
Faut-il évacuer la notion de jeu pour assumer ses devoirs et ses responsabilités ?
La réponse est non. Depuis quelques années des nombreuses études ont démontré qu’ajouter une dimension ludique à une tâche de base contraignante, comme d’apprentissage ou le travail, permet d’être plus productif et plus motivé. Je cite du livre « Play anything » d’Ian Bogost. « Nous avons mal compris la notion de jeu en l’associant au plaisir sans effort. Ce n’est pas la notion de plaisir qui caractérise le jeu, mais celle de contraintes. Ce sont les règles et les limites qui rendent le jeu si plaisant. Quand on accepte ces limitations, c’est là où le jeu devient intéressant. Pourquoi ne pas utiliser les contraintes dans les autres sphères de notre vie pour les aborder comme un jeu ? » Questionne-t-il.
Se reconnecter avec son enfant intérieur
Difficile de ne pas envier la légèreté avec laquelle les enfants se prêtent au jeu. La bonne nouvelle est que nous sommes tous capables de retrouver cette légèreté dans notre vie en continuant toujours à s’occuper de nos responsabilités et à faire nos devoirs. Afin d’arriver à cet état, il faut que nous arrêtions de réprimer notre enfant intérieur. Cette notion d’« enfant intérieur » est, depuis quelques années, au centre de certaines techniques de développement personnel. Il représente cette partie de nous qui est sensible, vulnérable, régie par les émotions. C’est ce que nous sommes à la naissance, notre noyau, notre personnalité naturelle riche de tous nos talents, de notre intuition et, surtout, de notre imagination.
Certaines personnes ont développé des sentiments de culpabilité et d’angoisse qui remontent à la surface à chaque fois qu’elles participent à une activité ludique ou qu’elles se font plaisir. Afin de libérer notre enfant intérieur, il nous faut cibler ce vieux sentiment de culpabilité qui remontent souvent à l’éducation que nous avons reçue de nos parents. Ce sentiment de culpabilité reste dans notre psyché et nous cause des blessures émotionnelles. Pour se guérir, nous devons nous reconnecter avec notre enfant intérieur.
Écouter son enfant intérieur
Être à l’écoute de notre enfant intérieur est une nécessité vitale : « En cas de conflit ou de crise personnelle, dans les moments où l’on est malheureux ou désemparé, avoir pris l’habitude de jouer, donc d’être en contact avec son enfant intérieur, permet de retrouver plus facilement son équilibre émotionnel, explique la thérapeute américaine Margaret Paul (“Renouez avec votre enfant intérieur”, Le Souffle d’or, 1993). Lui seul est capable d’utiliser naturellement ses facultés d’intuition et de spontanéité pour trouver les bonnes solutions lorsque l’adulte est enfermé dans son mental, ses peurs et ses a priori. »
Demandez à l’enfant ce qu’il veut, écoutez-le et donnez-lui l’opportunité et l’espace de jouer et d’être heureux de vivre. Si vous répétez cet exercice sur une base régulière, un nouvel espace va s’ouvrir pour votre enfant intérieur, un espace où il va pouvoir jouer en toute liberté.
Changer sa perspective sur la vie
Nous pourrions voir notre vie comme un jeu, riche et complexe. Tous les jeux ont certaines règles. Ces règles sont des limitations, en quelque sorte, mais en même temps, elles rendent possible le fait de jouer ce jeu, avec tout son potentiel joyeux et stimulant. Au lieu de nous épuiser en luttant contre nos problèmes et nos émotions « négatives », nous pouvons essayer de jouer et de danser avec. Voir nos problèmes comment des énigmes à résoudre pour apprendre des nouvelles leçons sur la vie, au lieu de les voir comme des obstacles qui nous empêchent d’avancer.
Dans le milieu du développement personnel, beaucoup des coachs défendent l’idée qu’il faut faire des sacrifices, souffrir et se tuer à la tâche pour éventuellement, un jour parvenir à cette destination qu’est la réussite. Mais quel est l’intérêt de se dépasser si l’on ne peut pas s’amuser sur la route ? Si on ne joue pas, l’esprit se mécanise, les émotions s’assèchent. Or, le jeu est une véritable source d’énergie, pleine, par essence, d’émotions positives. Le plaisir du jeu procure dépassement et oubli de soi. Et seul l’oubli de soi, associé au plaisir permet de se dépasser et d’être créatif. Voilà la grande différence entre les enfants et les adultes : les premiers, en effet, jouent pour se découvrir et se structurer ; les seconds, pour s’oublier et se dépasser.
Laissez l’enfant jouer à nouveau, laissez brûler le feu qui est en vous.