I

La rencontre

 

Sous la chaleur casablancaise, je marchais dans le grand boulevard d’Emile Zola en transpirant toute l’eau que j’ai bue ce jour-là. Je pensais seulement à rentrer le plus vite chez moi.

Mais tout à coup j’ai entendu une voix.

Une voix emplie de vulnérabilité et de véhémence.

Une voix qui résonne l’abandon.

Une voix qui supplie l’attention.

J’ignorais la source. J’ai hésité. Dois-je la trouver ou poursuivre mon chemin ? Mais la voix était pleine de chagrin.

Caché derrière un arbre, je l’ai aperçu.

Un tout petit chaton, sans nid, sans partenaire, sans mère.

La vie l’accueille avec un goût amer.

Son miaulement très aigu m’a tiraillé entre la tristesse et la compassion.

Un appel au secours avec beaucoup de lamentation.

Les gens allaient et venaient, le regardaient avec indifférence. Casablanca, une ville très peuplée et bruyante. Une grande ville qui n’écoute pas les petites voix insignifiantes.

C’est sur le trottoir que j’ai entendu sa voix. J’ai senti que c’était à moi qu’il s’adressait. Instinctivement, je me suis rapproché de lui. Il avait peur de me regarder mais il n’a pas essayé de m’échapper. La foule de la ville s’est dissipée en un instant. Je me suis figé. C’était comme s’il n’y avait plus que lui sous mon regard. Le bruit de mon esprit s’est effacé mais une question demeurait : Qui es-tu ?  Une question qui n’attend pas de réponse. C’était plutôt une prise de conscience.

Au fond, je crois que je l’ai reconnu.

Ce minou que je n’avais jamais vu.

Je l’ai pris dans mes mains au dépourvu.

 

Il n’a pas résisté. Il s’est agrippé à moi

Il n’a pas résisté. Il s’est agrippé à moi. C’est comme s’il savait ce jour qu’il allait tomber dans mes bras.

Dans la rue je l’ai porté.

On aurait dit un père avec son bébé.

C’était la première fois que je goûtais à la paternité.

 

 

 

 

 

Sous les regards des gens, j’ai poursuivi mon chemin. En train de créer mon nouveau destin avec ce chaton orphelin. Arrivés chez moi, je l’ai d’abord lavé. Par mes caresses, il était soulagé. Il était si fragile, si vulnérable. Il est très beau. Je l’ai tout suite pris en photo.

 

Je l’ai tout suite pris en photo

Il n’avait pas peur de m’approcher.

Avec ces petits pas vers moi il ronronnait.

De l’amour, il mendiait.

De la sécurité, il réclamait.

De la présence, il désirait.

À ma grande surprise, j’ai craqué et mon cœur était touché. Je me suis demandé depuis combien de nuits blanches il errait dans les rues de Casablanca. Une ville si grande pour une âme si petite. Une ville si puissante pour une âme si faible.

Et si je ne l’avais pas trouvé ?

Et si je ne l’avais porté ?

Et pendant que je plongeais dans mes pensées, entre mes jambes il a glissé. Il m’a fait confiance et dormait comme un bébé.

C’était le début d’une histoire qui m’appartient.

Une histoire avec mon ange gardien.

Il m’a fait confiance et dormait comme un bébé